La baignade : pour le meilleur et pour le pire!

Auteurs :  Dr Jean-François Roussy et Bruno Hogue

Version originale en PDF, Magazine Alerte 2012

La baignade est l’une des activités récréatives et sportives des plus accessibles et populaires. Il n’est donc pas surprenant que dès l’arrivée des chaudes journées d’été, nos piscines, lacs et pataugeoires se remplissent de baigneurs. Quelles conséquences peuvent avoir un surachalandage ou un mauvais entretien du système de filtration/chloration, ou encore le non-respect des normes Q-2, r.39, sur la santé de vos baigneurs? Et l’eau libre, comporte-t-elle moins de risques pour la santé?

Lorsqu’on parle des maladies associées à l’eau, l’infection représente la plus fréquente raison de consultation médicale. En effet, les pathogènes (ici, des micro-organismes) pénètrent le corps par inhalation, aspiration ou application directe sur la peau ou sur une blessure. Les pathogènes peuvent aussi faire une invasion des muqueuses intestinales ou gastro-intestinales. Cela entraîne une variété de symptômes d’infections.

Risques de maladies associées à l’eau : Faits
  • Depuis 20 ans, les risques de mala-dies associées à l’eau augmentent; cela s’explique entre autres par la présence de certains micro-organismes résistants au chlore.
  • Les pathogènes proviennent de l’environnement ou peuvent proliférer à cause de l’humain ou de ses déchets.
  • Les maladies sont surtout gastro-intestinales et constituent généralement une nuisance passagère, mais peuvent parfois être plus sérieuses.

Comment l’eau devient-elle contaminée?
Les lacs, les rivières et l’océan peuvent être contaminés par des déversements d’eaux usées, des déjections animales, des eaux de ruissellement ou simplement par la pluie. Les piscines, quant à elles, peuvent être contaminées par des gens qui se baignent alors qu’ils souffrent de diarrhée et ont un accident fécal, mais également par des micro-organismes provenant du corps de baigneurs ou d’animaux (qui s’y aventurent en dehors des heures de baignade).

Les infections
Par définition, infection désigne l’invasion d’un organisme vivant par des germes, plus précisément des micro-organismes pathogènes, comme des bactéries, des virus, des champignons ou encore des parasites. Les infections sont classées en deux catégories : les exogènes, quand le patient est exposé au micro-organisme par des sources externes (influenza, gonorrhée, hépatite) et les endogènes, lorsque la maladie est causée par un organisme faisant partie de la propre flore du patient. Il faut noter qu’un micro-organisme ne produira pas toujours nécessairement une infection, et qu’il peut causer différentes manifestations cliniques. En effet, plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’une infection se produise. Cela dépend entre autres de la complexe relation entre les micro-organismes et l’humain. L’interaction entre ceux-ci peut provoquer la colonisation (souvent transitoire), une relation symbiotique à long terme ou une maladie. Le tout dépendra du micro-organisme, de sa virulence, du site d’exposition et de l’inoculum (quantité de micro-organismes impliqués). Cela dépendra aussi de l’hôte (l’humain) : l’état de son système immunitaire, son âge et ses comorbidités (autres maladies ou conditions préexistantes favorisant l’infection).

L’humain est toutefois remarquablement bien adapté pour contrôler l’exposition aux microbes pathogènes, et possède trois lignes de défense de base contre l’invasion par ces agents infectieux : les barrières naturelles (comme la peau et les muqueuses), le système immunitaire inné (défenses immunitaires non spécifiques, globules blancs, réponse inflammatoire) et finalement, le système immunitaire adaptatif (réponses immunitaires spécifiques; ex. : les lymphocytes).

La réponse inflammatoire
La réponse inflammatoire est un mécanisme de défense rapide. Elle permet de contenir l’infection et d’éviter sa dissémination à partir d’un foyer local d’infection vers le reste du corps. De plus, elle met en marche les réponses immunitaires spécifiques subséquentes qui permettront de combattre cette infection à plus long terme. La réponse inflammatoire comporte trois évènements majeurs : 1) l’expansion des capillaires pour augmenter le flot sanguin au site de l’agression (ce qui explique la rougeur et la chaleur); 2) l’augmentation de la perméabilité des micro-vaisseaux permettant la sortie de liquide, plasma, protéines et leucocytes de la circulation (responsable de l’enflure/œdème du site); et 3) le recrutement et l’accumulation des neutrophiles au foyer de l’infection (combattant les micro-organismes). Voir figure 1

Figure 1 : exemple d’inflammation cutanée. 

Risques infectieux associés à différents milieux aquatiques
 
Si vous avez contracté l’une de ces infections, il est primordial de vous faire traiter et de ne pas vous baigner afin de ne pas contaminer d’autres gens.

Principes de prévention
Trois concepts clés forment la pierre angulaire dans la prévention des infections, soit : la stérilisation, la désinfection et les antiseptiques.

La stérilisation consiste en l’utilisation de procédures physiques ou d’agents chimiques pour détruire toutes les formes microbiennes, incluant les spores bactériennes, virus et champignons. On note par exemple l’utilisation de vapeur chaude, de radiations, de rayons UV, d’oxyde d’éthylène, de peroxyde d’hydrogène, ainsi que l’ozonation. Ces techniques sont toutefois peu ou pas applicables dans nos piscines et sont plutôt utilisées pour l’assainissement des eaux en laboratoire ou en vue de la consommation. La désinfection, quant à elle, est l’utilisation de procédures chimiques ou physiques afin de détruire la majorité des formes microbiennes, notamment par l’utilisation d’hypochlorite de sodium, de brome, de terre diatomée, etc. Ces produits ne sont pas infaillibles contre les spores et certains virus ou champignons, et certains agissent dans des conditions de concentration, de température et de temps de contact très précis, sans quoi leur efficacité est discutable. Il est donc primordial de suivre à la lettre les recommandations gouvernementales. (Voir tableau 2.)
 
Dans nos piscines, divers facteurs peuvent affecter l’efficacité de la désinfection au chlore : le pH de l’eau, la température de l’eau, la quantité de matières organiques (urée sécrétée dans la sueur, débris de peau… très présents lorsqu’il y a beaucoup de baigneurs) et le soleil (rayons UV). Finalement, les antiseptiques, tels que la chlorhexidine ou le chlorure de benzalkonium, sont des substances qui détruisent ou préviennent la croissance des micro-organismes sur les surfaces externes du corps et sur les instruments médicaux (ex. : ciseaux). Il ne faut cependant pas les confondre avec les antibiotiques, qui agissent à l’intérieur du corps. 

Dois-je présumer que l’eau des piscines est exempte de tout micro-organisme?
Non. Même les piscines les mieux entretenues peuvent propager la maladie (ceci inclut les surfaces autour des piscines). Les piscines les plus sécuritaires sont celles qui sont bien entretenues, mais également celles où les utilisateurs ont des comportements sains lors de la baignade. Rappelez-vous que le chlore détruit presque tous les micro-organismes, mais que cela peut prendre un certain temps. Certains pathogènes peuvent survivre de quelques heures à plusieurs jours dans les piscines. Soyez conscient qu’en tant que sauveteur ou baigneur, vous jouez un rôle capital dans la prévention des maladies transmises par la baignade.

En conclusion, souvenez-vous que la baignade est une activité fort populaire, mais qui n’exclut pas certains risques. Plusieurs bactéries et parasites présents dans l’environnement aquatique ou chez le baigneur peuvent causer des maladies. Un bon entretien et suivi de la qualité de l’eau des piscines et plans d’eau est vital, mais pas suffisant… les baigneurs doivent aussi se responsabiliser! «

« L’étiquette » aquatique
  1. Se doucher convenablement et préférablement avec du savon avant l’utilisation d’une piscine publique ou après une baignade en eau libre.
  2. Éviter de se baigner si on a une plaie ouverte.
  3. Vérifier fréquemment la couche des bébés et la changer DANS LA SALLE DE TOILETTES!
  4. NE PAS SE BAIGNER SI ON A LA DIARRHÉE!
  5. Éviter d’avaler l’eau.
  6. Se laver les mains après l’utilisation de la toilette.


RÉFÉRENCES :

•    www.msss.gouv.qc.ca
•    www.dpd.cdc.gov/dpdx
•    www.mddep.gouv.qc.ca/programmes/env-plage/
•    Regnault, J.P., Éléments de microbiologie et d’immunologie, Éditions Décarie, 2002.
•    McCance, K.L., Huether, S.E., Pathophysiology: The biologic basis for disease in adults and children, Elsevier Mosby, 5th edition, 2006.